Un pseudo harcèlement


Source: Groupama Transport (Le Phare n° 11)  

La fièvre procédurière dont usent à l’envie les américains ferait-elle tâche d’huile ?

Près de six ans de tergiversations dont trois ans de procès auront été nécessaires pour rétablir le droit dans ce que l’on pourrait qualifier de « guet-apens » social ! La fièvre procédurière dont usent à l’envie les citoyens américains ferait-elle tâche d’huile ? Qu’on en juge…

L’affaire débute en octobre 2000. Un employeur découvre que l’une de ses comptables a omis, excusez du peu (!) eu égard à la fonction de cette personne, de prélever les cotisations obligatoires sur les salaires lors de l’établissement des bulletins de paie. Mieux encore, sans avertir son employeur de cette omission, elle corrige son erreur lors des payes suivantes. Mais selon un système discriminatoire aux dires des salariés lésés.

L’employeur, avisé par ceux-ci, convoque la comptable pour un entretien informel, au cours duquel il lui donne lecture de la copie d’une lettre recommandée d’avertissement sanctionnant cette négligence professionnelle grave. Un simple rappel à l’ordre sans grande conséquence directe sur son emploi.

Sous le «choc», la comptable «victime» d’un malaise défaille et perd connaissance. Les pompiers sont appelés… Une déclaration d’accident du travail est effectuée et un certificat médical initial stipule que la «victime» souffre de «cervicalgies avec retentissement psychologique, suite à une chute de sa hauteur». À compter du jour de cet accident, l’employée ne réintégrera pas la société : la médecine du travail a déclaré l’inaptitude totale et définitive de la «victime» à tous les postes de l’entreprise.

La direction notifie donc à la «victime» son licenciement pour inaptitude professionnelle médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

La «victime» qui se voit attribuée par la CPAM un taux d’IPP de 8 % avec le versement d’un capital ne s’en tient pas là. Fin 2003, elle décide d’intenter une action tendant à la reconnaissance de «la faute inexcusable de l’employeur» afin d’obtenir une majoration de la rente et réparation d’un éventuel préjudice personnel.Elle allègue avoir dû travailler sous de continuels reproches, voire une longue période de harcèlement avec remise en cause de ses compétences, l’ensemble ayant fini par provoquer le choc émotionnel et le malaise dont il est question.

L’employeur est-il coupable de n’avoir pas eu conscience du degré d’émotivité ayant conduit à l’accident de ladite salariée ? C’est ce dont les juges du fond du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS) ont fini par débattre, en 2006, avant de débouter la «victime» de sa demande. Dans ses attendus, le TASS constate qu’en l’espèce la «victime» n’a apporté aucune preuve du harcèlement moral qu’elle n’avait d’ailleurs pas invoqué lors de l’enquête de la Sécurité Sociale et pour lequel elle n’a jamais déposé de plainte pénale. Il constate également qu’au regard de la faute professionnelle commise la convocation n’était pas abusive et que n’ayant pas connaissance de l’émotivité de la «victime», dont celle-ci n’avait jamais fait état auprès de quiconque, l’employeur ne pouvait avoir conscience d’un risque de malaise lors de l’entretien d’avertissement.

Il aura donc fallu trois ans pour que le TASS passe au crible les éléments constitutifs d’une possible «faute inexcusable de l’employeur», non sans donner quelques sueurs froides à cet entrepreneur. Avec sang-froid, il poursuit son activité. Aidé d’un psychologue ? L’histoire ne le dit pas…

On se félicitera qu’en France, les juges s’attachent toujours au respect de la charge de la preuve et que la machine judiciaire ne s’emballe pas sous la pression et la puissance du corps des avocats.


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